Principes
théoriques de l’action magique
LePersonne, vraiment, ne sait expliquer la magie, ni même
si elle est véritablement efficace. Mais des théories
existent.
La magie orientale - mésopotamienne, égyptienne, iranienne
- explique ses exploits par l'archétype, le modèle
divin ou cosmogonique. À ses yeux, pour agir magiquement
il faut faire comme font les dieux ou faire comme ce fut à
l'origine. Les dieux sont des exemples, des créateurs, des
tout-puissants, les origines sont des moments forts, ils concentrent
des puissances idéales, des possibilités. C'est donc
magique, par identification, analogie. On lit souvent sur les papyrus
égyptiens ou gréco-égyptiens : "Je suis
Isis", "Je suis Osiris".
Bôlos de Mendès, le premier des occultistes, explique
la magie par les "sympathies et antipathies" et par les
"vertus occultes". D'après lui, la salamandre et
le feu sont en sympathie, le coq et le lion en antipathie, en inimitié
; la dépouille d'un serpent a la propriété
merveilleuse de favoriser les menstrues.
Pic de la Mirandole, en néoplatonicien, explique la magie
par l'amour. "Les merveilles de l'art magique ne s'accomplissent
que par l'union et l'actualisation des choses qui sont latentes
ou séparées dans la nature. (...) Faire de la magie
n'est pas autre chose que marier le monde (Magicam operari non est
aliud quam maritare mundum)." Tout comme le vigneron fait une
greffe de la vigne sur un ormeau, le magicien lie l'inférieur
au supérieur, le matériel au divin, sur le plan du
caché, du latent, du séminal. Pour faire un talisman
il faut lier le signe gravé ou inscrit à un esprit
planétaire, à un des sefirot de l'arbre des kabbalistes.
Paracelse explique la magie par l'astral, aussi bien l'Esprit sidéral
que le corps astral (corpus siderem), d'autre part il explique par
la volonté et l'imagination du mage. "L'Esprit sidéral"
est la lumière répandue dans notre esprit autant que
la Raison universelle. "Même les choses insensibles,
les plantes, les graines, les fruits, les pierres, etc., tout a
un corps astral", celui-ci est un "aimant" qui attire
"les influx sidéraux", un "moteur" qui
donne vie et esprit au corps élémentaire. Le mage
sait capter et diriger "les forces célestes", "les
puissances astrales" dans les objets terrestres, mais aussi
utiliser les images, les lettres, les mots. Hélas, la pensée
de Paracelse reste difficile à comprendre.
Agrippa de Nettesheim, Giambattista Della Porta, Swedenborg, la
majorité des auteurs expliquent la magie par les analogies
et correspondances pour le côté abstrait, par les liens
ou les déliements pour le côté concret. C'est
la fameuse notion de "ligature" (serrer un lien, faire
un noeud). On a là une idée magique de tous temps
et pour tous lieux. Exemple : il y a, selon le magicien, analogie,
ressemblance, métaphore, apparentement entre l'amour et un
lien, un noeud, un enchaînement, donc, pour créer un
amour de façon magique, le magicien fera un noeud. L'analogie
créera le lien. Recette du IVe siècle : "Charme
étonnant pour lier une femme aimée. Fais 365 noeuds."
Recette de 1997 : "Pour attirer l'amour. Dans un ruban rouge
vous aurez écrit vos deux noms avec le sang de l'un des deux.
Liez le ruban de manière à faire joindre les noms."20
L'action magique transfère à deux personnes le pouvoir
qu'a le noeud sur deux cordes, celui d'unir, de rapprocher. Un mage
d'une part scrute, connaît, d'autre part manipule, transfère
les équivalences symboliques.
Franz Anton Mesmer (1766) et tout le mouvement du magnétisme
animal expliquent par un "fluide magnétique universel",
ou plus prosaïquement par l'électromagnétisme.
Éliphas Lévi explique par la volonté. "Savoir,
oser, vouloir, se taire, voilà les quatre verbes du mage.
Vouloir, vouloir longtemps, vouloir toujours, mais ne jamais rien
convoiter, tel est le secret de la force ; et c'est cet arcane magique
que le Tasse met en action dans la personne des deux chevaliers
qui viennent délivrer Renaud et détruire les enchantements
d'Armide. Ce qui rendait Jeanne d'Arc toujours victorieuse, c'était
le prestige de sa foi."
Frazer, ethnologue anglais, explique par les associations d'idées.
"Les hommes confondent l'ordre de leurs idées avec l'ordre
de la nature, et, dès lors, imaginent que le contrôle
qu'ils exercent ou semblent exercer sur leurs pensées les
autorise à pratiquer un contrôle correspondant sur
les choses." Frazer distingue, dans son analyse de la magie,
trois lois, qui marchent par associations (similitude, contiguïté,
contrariété). Première loi, la similitude,
la sympathie par imitation : "Tout semblable appelle le semblable,
ou un effet est similaire à sa cause" ; par exemple,
la technique d'envoûtement consiste à percer d'une
aiguille une poupée imitant la personne que l'on veut blesser.
Deuxième loi, la contiguïté, la sympathie par
contact, la contagion : "Les choses qui ont été
une fois en contact continuent d'agir l'une sur l'autre, alors même
que ce contact a cessé" ; par exemple, un magicien peut
blesser une personne en piquant les empreintes de pas laissées
par cette personne. Troisième loi : "le contraire agit
sur le contraire" ; par exemple, pour contrecarrer une blessure
on peut susciter son contraire sous forme d'une image de cicatrisation.
Mikhaël Aïvanhov, un maître spirituel bulgare, explique
par l'aura. "Être un mage, c'est créér.
Le mage véritable est entouré d'un cercle de lumière,
son aura, ce halo de lumière invisible qui émane de
lui et qu'il a formé grâce à son travail spirituel
et à la pratique des vertus. Pour créer, le mage utilise
les mêmes moyens que Dieu Lui-même : il projette une
image ou prononce un mot qui traverse son aura, et c'est l'aura
qui fournit la matière pour la manifestation." Il existe
"trois grandes lois magiques : 1) la loi d'enregistrement,
2) la loi d'affinité, 3) la loi du choc en retour."
Une théorie bien plus moderne passe par la notion de "champ
morphique". Rupert Sheldrake, biologiste et parapsychologue
anglais, développe "l'idée que les formes et
comportements caractéristiques des systèmes physiques,
chimiques et biologiques sont déterminés par des champs
organisateurs invisibles qu’ils appellent les 'champs morphogénétiques',
apparemment capables de transcender à la fois le temps et
l’espace sans avoir ni masse ni énergie propre."
|